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À Météo France, l’automatisation crée le malaise
Édition Ouest-France du 19/02/2024
https://journal-twipe.ouest-france.fr/data/249422/reader/reader.html#!preferred/0/package/249422/pub/390482/page/5/content/7712630
Le nouvel outil ALPHA et ses conséquences
À Météo France, l’automatisation crée le malaise

Les salariés de l’agence, déjà fragilisée par des réductions d’effectifs, multiplient les grèves pour dénoncer un nouveau système qui fournit au grand public des informations parfois erronées.

Enquête

De la neige en décembre à Briançon, la très haut perchée sous-préfecture des Hautes-Alpes ? Ça n’est pas rare. Ce qui l’est plus, c’est qu’on annonce des flocons en même temps qu’une température de 9 °C. Un non-sens météorologique. Pourtant, cette prévision a bien été diffusée, le 6 décembre, sur l’application de Météo France, le service météorologique national.

Ça a fait sourire dans ce petit milieu. Mais pas à Météo France. Cet impair y a été vu comme le marqueur d’une réorganisation contestée depuis de longs mois, un projet « boulet », une « catastrophe » préjudiciable à l’image de l’établissement.

Le projet 3P, l’élément perturbateur

Le projet 3P (pour « Programme Prévision-Production ») est entré en phase opérationnelle le 13 novembre, après six ans d’esquisse. Il prévoit plus d’automatisation de la production des prévisions diffusées au grand public, en parallèle d’une baisse drastique des effectifs.

« Avant, tous les matins, les centres régionaux et le centre national de Toulouse se mettaient d’accord sur un cadrage météorologique grossier et ensuite, chaque région affinait les prévisions, en utilisant les modèles les plus pertinents », rappelle Eva Krug, représentante du personnel au pôle rennais de Météo France. Ces prévisions, modifiables, se retrouvaient ensuite sous forme de cartes sur les sites et applications de l’agence.

Les prévisions grand public sont désormais tirées d’un outil nommé Alpha, qui agrège les données de différents modèles de prévision. Son travail est vérifié, mais par une seule personne, basée à Toulouse. Le rouage régional a disparu.

Si l’on en croit les salariés de Météo France, Alpha n’est guère au point et les outils pour le corriger encore moins. En outre, les données mises en ligne automatiquement ne sont pas modifiables pour les six pre- ières heures de prévision. Ce qui empêche les prévisionnistes de gommer rapidement des erreurs trop grossières.

Comme cette fameuse neige à Briançon par 9 °C, ou bien ces 28 °C prévus à Strasbourg, le 9 décembre. Des bugs auxquels s’ajoutent des difficultés plus structurelles, liées aux contextes météorologiques complexes. « La robustesse de l’organisation 3P n’y est pas démontrée », avait prévenu l’intersyndicale début novembre. Ces situations complexes, et donc potentiellement problématiques, sont nombreuses : orages, pluies extrêmes et bien sûr la neige.

De la neige à Paris pas anticipée

Lorsque les premiers flocons tombent à Paris le 9 janvier, après un fort épisode neigeux dans le nord du pays, le site et l’application de Météo France n’en font pas état. « Les modèles de prévision s’étaient trompés, et notre outil a donc sorti quelque chose de faux », regrette Eva Krug.

Deux jours plus tard, les prévisionnistes d’Île-de-France se fendent d’un communiqué amer. « La nouvelle chaîne de production [a été] défaillante avec une incapacité à prévoir la neige alors même que l’événement était en cours. »

La direction de Météo France a pris conscience des lacunes du nouveau système, malgré « un long déni » selon le personnel. Désormais, à Toulouse, un prévisionniste-correcteur est « chargé d’assurer la qualité et la cohérence de la base de production automatique » et « d’apporter des corrections en lien avec les prévisionnistes dans les régions ». Sauf que, comme l’estime Yann Amice, météorologue pour Weather & Co, cette personne « ne peut rien faire, si ce n’est du picorage. En France, au vu du nombre de microclimats, c’est une hérésie. »

Les prévisionnistes veulent pouvoir intervenir dès les premières heures de prévisions générées par la machine. Et « pouvoir corriger ces sorties depuis les régions ». Ce qui suppose de redéployer des postes dans les territoires.

Une image de marque détériorée

L’ampleur des erreurs affecte le personnel. « La honte s’abat sur un établissement incapable de retranscrire dans sa base de données de prévision ce que les citoyens constatent au-dessus de leur tête », écrivaient le 10 janvier les prévisionnistes d’Île-de-France. Un mal-être qui fait écho aux récentes suppressions de postes : un tiers des effectifs en quinze ans. Fin 2021, le sénateur centriste Vincent Capo-Canellas, auteur d’un rapport spécial sur l’institution, indiquait clairement qu’à Météo France, « on est à l’os ».

La situation actuelle peut aussi détériorer la relation de Météo France avec ses partenaires institutionnels (pompiers, prévention des crues) et commerciaux (prestataires autoroutiers, organisateurs de grands événements). La direction rassure : « Un certain nombre de productions font l’objet d’expertises complémentaires. » Par exemple, « les bulletins de vigilance », rappelle Sébastien Delecray, représentant du personnel Météo France à Lyon. Mais la coexistence de ces bulletins avec les prévisions automatiques « brouille l’information » délivrée aux utilisateurs. « Ils nous font encore confiance, mais jusqu’à quand ? »

Maxime MAINGUET.